Vivement l'arrivée de la 5G fausse monnaie ?

Sans le nommer, certains opérateurs semblent mettre en garde contre une opération communication de Free mobile dans les prochains mois sur la 5G.

A raison... et à tort, selon moi.

Petit rappel historique

Remontons un peu dans le temps. Le vocable "fausse monnaie" a été lancé par Xavier Niel il y a quelques années, au début du déploiement de la 4G en France. Il consistait à accuser ses concurrents (et en particulier SFR, qui avait mis le paqu€t sur sa licence 4G et voulait "faire du chiffre", c'est à dire couvrir le plus rapidement possible en s'appuyant majoritairement sur sa fréquence en or à 800MHz) de mettre à disposition une "sous-4G", offrant peu de débits.

Il est vrai qu'ayant fait l'impasse sur cette bande de fréquences en or, et ne disposant pas encore de la bande 1800, la couverture des relais Free 4G était bien réduite, mais que quand elle était disponible, les débits étaient bien meilleurs qu'en 800 (cellules beaucoup plus petites, largeur de bande de 20MHz au lieu de 10MHz).

Alors, de la fausse monnaie sur la 5G ? Et pourquoi pas de la "double fausse monnaie" ?

État des lieux sur la 5G

Avant l'attribution des fréquences dans la bande des 3,5GHz, la situation se présente comme suit :

  • la bande initialement désignée pour le support de la 5G est la celle des 700MHz.  Comme toute fréquence basse, elle permet de couvrir large, mais avec des débits limités. La neutralité des fréquences permet bien entendu de l'utiliser dès à présent pour la 4G (Free ne s'en prive pas puisqu'il n'a pas d'autre fréquence en or)... puis de la partager entre 4 et 5G, plus ou moins dynamiquement.
  • Free mobile et Orange disposent de 10MHz en 700MHz, SFR et Bouygues de 5MHz.
  • les sites LTE700 actifs au 1er juin 2020 sont de 14.857 pour Free, 1.784 pour Bouygues, 1.541 pour Orange et 425 pour SFR. Pour ces 3 derniers, l'intérêt est d'écouler un peu de trafic avec (dans de bonnes conditions même pour ceux qui n'ont que 5MHz, le parc de mobiles compatibles 700 étant nettement plus réduit) et de... préparer tranquillement l'arrivée de la 5G. Mais Free a de facto une large avance sur les équipements 700.

"Dynamic Spectrum Sharing" ou DSS

Jusqu'alors, les déploiements d'une nouvelle technologie s'étaient faits sur des bandes de fréquences différentes.

La 3G avait été déployée sur la nouvelle bande des 2100MHz (qui est maintenant aux 2/3 ou 3/4 dévolue à la 4G, sauf chez Free qui n'a pris au départ qu'un tiers de licence), avant de bénéficier d'une partie de la bande des 900MHz.

La 4G devait initialement être déployée uniquement en 800 et 2600 (sauf pour Free qui avait fait l'impasse sur la licence LTE800 et pour Bouygues qui avait réalisé un superbe hold-up en basculant une partie de sa bande 1800 avant les autres).

Afin de réduire les investissements des opérateurs et d'accélérer la couverture 5G, les équipementiers réseau proposent donc, sous différentes approches, le DSS (partage dynamique du spectre radio) qui permet d'affecter dynamiquement une bande de fréquences aux utilisateurs, selon la demande. Ainsi, la bande des 700MHz par exemple pourrait être utilisée simultanément par les mobiles 4G et 5G des clients de l'opérateur... et Free pourrait donc se mettre à rêver d'une couverture nationale en 5G, avec communication massive sur ce thème dans les médias.

Pas si simple, ne pourrait-il s'agir de... double fausse monnaie ?

Pourrait-on jouer l'arroseur arrosé dans un futur proche ? Quelques éléments de réflexion...

  1. Ce que la 5G est censée apporter c'est une réactivité très courte et des débits impressionnants. Cette réactivité ne sera atteinte que dans quelques années, après une refonte du réseau coeur... et les débits ne seront pas visibles sur la bande des 700MHz. Autrement dit la couverture sera présente, mais il ne s'agira que d'afficher un logo 5G à la place du 4G habituel.
  2. En fonction des dotations en fréquences en or, la situation s'aggravera. Free devra en effet partager seulement 10MHz sur ces 2 technologies, pendant que SFR et Bouygues en auront 15 et qu'Orange aura 20MHz disponibles.
  3. Et pour couronner le tout, l'équipementier choisi par Free, Nokia, a présenté son système DSS récemment, et il s'avère que la granularité de répartition entre 4 et 5G sera de 10%, avec un minimum de 20% et un plafond de 60% pour la 5G. Donc en cas d'absence de trafic 5G la cellule concernée gaspillera inutilement 20% de débit 4G, et dans l'autre éventualité les débits théoriques plafonneront à 60%. L'efficacité spectrale de la 5G compensera, mais seulement en partie.

On peut donc d'ores et déjà anticiper sur une commercialisation possible d'une 5G... "double fausse monnaie". Deux erreurs (impasse sur la licence LTE800, choix d'un équipementier a priori moins performant pour le moment), deux sanctions possibles.

Les opérateurs, et en première position SFR, ont donc à mon avis à la fois raison de parier sur une probable offensive médiatique de Free sur ce thème... et tort de s'inquiéter, car l'effet pourrait être dévastateur si la 5G d'un opérateur se limite à une couverture étendue en bande basse avec des débits de facto très inférieurs à la 4G+ actuelle, et en l'absence de toute couverture de quelques grandes villes (que seul Orange semble prêt à assurer dès l'obtention de sa licence en 3,5GHz).

 

Quelques ressources documentaires :

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LesEchos

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